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JUSTICE ET PARDON

Dernière mise à jour : 17 oct.


Les bas reliefs figurant aux tympans de nos cathédrales illustrent assez bien l'état d'une croyance religieuse qui accordait beaucoup d'importance au thème de la justice. Dieu en effet, y apparaît toujours sur son trône de justice, triant les âmes en rétribution de leurs actions. Aux uns l'élection du Paradis, aux autres les tourments punitifs de l'Enfer. Force est de remarquer cependant que la croyance à la damnation éternelle n'a plus très bonne presse aujourd'hui, même chez les chrétiens. On préfère considérer Dieu comme le tout miséricordieux qui pardonne plutôt que comme le juge qui condamne. Est-ce encore le même Dieu ? Est-ce encore la même croyance ? Après tout, il y a bien de la différence entre celui qui, au nom de la Justice, rétribue et punit et celui qui, tout plein de son amour pour nous, est toujours disposé à pardonner nos fautes et nos offenses. L'un agit comme un roi Pentocrator, exerçant sur son lit de Justice la fonction éminemment politique de magistrat suprême ; l'autre agit plutôt comme un père aimant, accueillant à bras ouverts l'enfant prodigue qui s'était éloigné de lui. Justice et Pardon. Intuitivement, il pourrait sembler que Dieu ait gagné quelque chose à cette transformation : en déposant son sceptre de Justice, il s'est adouci du même coup et a perdu ce masque austère du magistrat à perruque, qu'on ne peut jamais regarder sans crainte ni tremblement. Mais cet adoucissement de la figure divine ne s'est-il pas fait aux dépens d'un ordre juste qui garantirait à chacun de recevoir selon son mérite ? Faut-il se réjouir que les ouvriers de la dernière heure reçoivent même salaire que les ouvriers de la première heure ? Le frère du fils prodigue n'a-t-il pas pleinement raison de protester contre le sort inéquitable qui lui est réservé, à lui qui a toujours obéi docilement à son père ? La logique miséricordieuse du Dieu qui pardonne peut elle être compatible avec la plus simple et la plus élémentaire exigence de Justice ? Un Dieu qui pardonne est peut-être le modèle d'un bon père, mais peut-il encore prétendre être un Roi s'il renonce à la lourde tâche de condamner et de punir ? Autrement dit, peut-on faire du pardon un principe de gestion politique ? Peut-il valoir comme une règle de justice ou peut-il se recommander à la place de la justice ?



La Justice contre le Pardon

Il est à craindre qu'une logique du pardon ne soit au contraire politiquement ruineuse. Car pardonner revient concrètement à suspendre la logique rétributive de la justice. Si la Justice est symbolisée par une balance, c'est bien parce qu'il s'agit pour elle de restituer les conditions d'une égalité qui a été rompue. La justice, comme l'observe Aristote au livre V de l'Ethique à Nicomaque, a fondamentalement à voir avec l'égalité. Qu'on l'entende comme une justice distributive ou comme une justice des échanges (justice commutative), toujours il s'agit de concevoir un partage égal, conçu soit de façon arithmétique soit de façon proportionnelle. Le but de la Justice est de rendre à chacun son dû, ni plus ni moins. Elle assigne à chacun la part qui lui revient de droit. Cela vaut aussi pour les actes de Justice qui se jouent au tribunal. Le criminel, s'il est vraiment criminel, mérite sa peine. Pour ce criminel, obtenir un pardon reviendrait donc à se voir dispenser de subir une peine, alors que sa culpabilité est établie. Ce qu'il mérite (la peine), on renoncerait donc à le lui infliger. C'est dire alors que l'égalité du rapport ne serait pas rétablie : celui qui a pris plus que sa part en commettant un acte délictueux ne se verrait plus retirer quelque chose. Il en irait tout autrement si le criminel avait, d'une façon ou d'une autre, purgé sa peine. Il n'aurait dans ce cas plus à demander pardon, il n'aurait plus à s'en remettre à la clémence de son geôlier pour obtenir une remise de peine, car il aurait acquitté sa dette. Celui qui a payé sa dette à la société n'a pas besoin qu'on lui pardonne encore. Car dans le « par don », il y a toute la générosité d'un don, c'est à dire une attitude qui suspend la logique équitable de l'échange, où ce qu'on reçoit est en proportion de ce que l'on donne. Dans le don comme dans le pardon, cette égalité de rapport est rompue. En imposant une peine au criminel, le juge cherche tout au contraire à contourner cette logique du pardon. Punir, c'est renoncer à pardonner, c'est obliger l'autre à payer sa dette.


Pardonner, de ce point de vue, n'a assurément rien d'un acte de Justice. On pourrait même sans doute affirmer que c'est « injuste », au sens où le pardon est non seulement étranger à la Justice mais qu'il lui est même contraire et lui fait du tort. Car en renonçant à punir, on lèse nécessairement celui que le criminel a meurtri. Tout acte de clémence, toute générosité qui consiste à octroyer une remise de peine est autant de volé au dédommagement dû à la victime. Ce qu'on accorde au criminel, on l'ôte mécaniquement à sa victime, doublant alors l'injustice première (celle du criminel) d'une injustice seconde (la clémence). Cette réparation qui a été accordée à la victime par la punition du criminel, on la lui ôte en accordant le pardon. Aussi bien, le pardon ne peut-il être jamais une décision politique, puisque la décision politique doit avoir en vu l'intérêt de chacun et non pas l'intérêt d'un seul. La justice, parce qu'elle est une vertu politique, consiste à arbitrer entre des intérêts antagonistes, elle ne peut être une sollicitude personnelle.


Seule la victime est habilitée à accorder son pardon, puisque ce pardon n'engage que lui. Et puisque le pardon a la structure d'un don, il ne saurait jamais y avoir d'obligation de « pardonner » comme il y a une obligation de punir. La justice exige la punition comme elle exige la rétribution, puisque ne pas punir le criminel reviendrait à punir sa victime. Et celui a qui vous avez confié un dépôt est logiquement tenu de vous le restituer. En revanche, personne n'est tenu de faire le don gracieux de ce qu'il possède. Nul n'est obligé de donner, son pardon aussi peu que le reste. Cette remise de dette, par laquelle on renonce à être payé, est une décision libre soumise à l'entière discrétion de la victime. Elle peut toujours refuser de pardonner. C'est son droit. Rien ne l'oblige à effacer l'ardoise.



Par conséquent, le pardon a sans doute une valeur propre dans la sphère morale, parce qu'il a l'allure désintéressée du don. Mais il ne saurait valoir comme principe politique, parce que non content d'échapper à la logique rétributive de la justice, il tend à devenir un agent actif de l'injustice. Quand la justice devient clémente, les lois ne sont plus respectées.


La justice pour le pardon

Cette première conclusion pourrait aller de soi s'il était parfaitement évident que la punition infligée par le juge restaure effectivement les conditions d'une égalité qui a été rompue par le délit. Mais est-ce vraiment le cas ? On pourrait penser qu'il est logique qu'à celui qui a infligé une peine, une peine soit échue en retour. Juste retour des choses, dirait-on, la balance est à l'équilibre. Mais considérer la justice de cette manière, n'est-ce pas la rendre indistincte d'une vengeance ? Car qu'est-ce que la vengeance sinon cette façon de répondre à la violence par la violence, d'annuler la peine subie par le principe d'une peine infligée ? Ainsi conçue, la justice ne serait rien d'autre qu'une vengeance institutionnalisée, qui garde au fond d'elle ce plaisir obscur de « faire souffrir » dont parle Nietzsche dans la deuxième dissertation de la généalogie de la morale. Il y a chez tous ceux qui réclament une sanction exemplaire des criminels le même genre d'appétit malsain que celui qui pousse Shylock, le banquier shakespearien du marchand de Venise, à réclamer sa livre de chair. Sous couvert de la Justice, c'est l'obscène désir de rendre coup pour coup qui se donne carrière.


Or, on pourrait légitimement penser que c'est précisément pour interrompre ce cycle de la violence, des offenses qui suivent des vengeances et des vengeances qui deviennent de nouvelles offenses, que la Justice existe. Par elle, il s'agit de rompre enfin avec cette fausse égalité que représente la réciprocité dans le mal infligé. Le juge n'est pas là pour satisfaire la victime, mais d'abord pour protéger l'accusé d'un désir de vengeance qui aimerait le voir expéditivement cloué au pilori. Il s'agit, par le moyen d'une procédure réglée, de ne plus donner carrière au désir de vengeance et d'introduire la présence d'un tiers (le juge) entre le criminel et sa victime. Le juge se tient entre eux d'eux, ni d'un côté ni de l'autre, comme une instance séparatrice et pacificatrice. Sa seule présence a pour effet d'interrompre la réciprocité de la violence (« oeil pour oeil, dent pour dent ») en lui substituant le pouvoir de la parole. Si la sentence du juge vaut comme punition et non plus comme vengeance, c'est parce qu'elle intervient à l'issue d'un procès où chacun a eu le temps et l'occasion de présenter son point de vue. Cette résolution pacifique du litige n'est sans doute pas encore, pour ceux qui y prennent part (les parties en présence), une façon de « se pardonner ». Mais elle déjà du moins pour eux une façon de s'entendre.


En revanche, les conditions du pardon sont belles et bien rassemblées dans la sentence qui clôt le procès. Cette sentence vaut d'abord en tant qu'elle établit la culpabilité du criminel et qu'elle valide officiellement le statut de la victime. Pour qu'un pardon soit possible, pour qu'un pardon soit donné, il faut en effet au moins cette condition minimale : qu'on reconnaisse qu'il y a quelque chose à pardonner. Sans cette reconnaissance officielle de la faute, il ne saurait y avoir de pardon, puisqu'on ne peut pardonner à celui qui ne souhaite pas être pardonné. Prendre conscience d'être en faute, se voir reconnaître coupable, est donc la condition indispensable pour qu'un pardon donné puisse être un pardon reçu. Il n'y a pas lieu d'être pardonné si l'on ne se sent pas coupable. Or, non seulement la sentence vise à cet effet ; mais la condamnation elle-même a pour fonction de faire prendre conscience au délinquant de la gravité de ses actes. Elle est moins une façon de restaurer l'égalité rompue qu'une façon de réformer le délinquant par la pédagogie de la peine : la punition a pour fonction de réintégrer le criminel en le délivrant de ses tentations criminelles. Pour cela, il faut lui faire sentir concrètement sa culpabilité. On pourrait presque dire, en ce sens, que la prison est une école de la honte. Or, se sentir honteux, n'est-ce pas cela que Dieu demande à tout le moins au pêcheur ? Il doit s'éprouver pêcheur pour avoir besoin d'être pardonné. Il doit être déjà jugé pour pour pouvoir être gracié. Il ne peut y avoir d'absolution là où manque la confession. Or, tout cela, idéalement, la décision de Justice le rend possible.


De même, il ne peut y avoir de pardon là où celui qui accorde son pardon n'est pas en position de le faire. Il ne peut accorder son pardon que si on reconnaît qu'il a été victime. Et sans décision de justice, comment la victime pourrait-elle être reconnue ? A la fin de l'Apartheid en Afrique du Sud, Nelson Mandela avait lancé les commissions « Justice et réconciliation », chargées d'instruire dans tous les pays les crimes de l'Apartheid. L'idée n'était ni de donner carrière au désir de vengeance des victimes ; ni même, en instruisant le procès des Boers, de les punir par des sanctions exemplaires. La complicité de crime dans l'Apartheid était trop largement répandue, les criminels étaient bien trop nombreux pour qu'une punition au cas par cas puisse avoir le moindre sens. Mais il s'agissait au moins symboliquement d'officialiser les crimes, les criminels et les victimes, pour qu'une « réconciliation » puisse avoir chance d'exister. Quelle autre forme que le pardon devait présider à cette réconciliation ? La décision de justice servait à mettre le coupable en condition de demander pardon ; elle mettait aussi la victime en position d'accorder son pardon.


Bien que la Justice soit fondamentalement distincte du pardon, on voit par conséquent qu'elle pose à tous le moins les conditions qui rendent seules possible l'existence de ce pardon. Là où règne l'injustice et l'iniquité, il ne peut y avoir ni pardon reçu ni pardon donné, parce qu'il n'y a ni victime ni coupable.



La Justice du pardon

Reste cependant que ce pardon, s'il est un « don », n'a jamais rien d'obligatoire. Il ne saurait être commandé, ni exigé, à moins que nous supposions en plus l'existence d'un droit à être pardonné...à moins, donc, que nous supposions qu'il est parfois juste de pardonner, au sens où la justice elle-même exigerait que nous pardonnions.


On conçoit aisément qu'une telle question se pose et qu'elle provoque un certain embarras. Faire dépende le pardon d'une règle de justice reviendrait à accepter qu'il soit parfois juste et parfois injuste de pardonner. La justice commanderait certaines fois la grâce du condamné (par exemple quand il est mourant) ou bien elle interdirait qu'il soit jamais pardonné (en le condamnant à une peine incompressible). Or, c'est pourtant bien d'une capacité de la société à pardonner dont il est question, toutes les fois que nous parlons de « réduction de peine » ou bien au contraire lorsque nous parlons de « crimes imprescriptibles ». Un crime imprescriptible, c'est un crime qui ne peut être oublié, quelle que soit la période qui s'est écoulée depuis qu'il a été commis. C'est, par essence, le crime impardonnable. La justice a donc bien affaire, elle aussi, avec un pardon qu'elle doit accorder. Mais comment pourrait-elle décider librement d'accorder ce pardon sans tomber dans une forme d'arbitraire ? La grâce présidentielle, qui a le pouvoir d'affranchir un condamné, est belle et bien une façon d'accorder son pardon à celui qui mériterait d'expier ses fautes. Mais en prenant l'allure d'une décision « injustifiée », donc non juste, ne risque-t-elle pas d'apparaître en même comme l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire qui s'accorde le droit de décider qui mérite d'être pardonné et qui ne le mérite pas ? Ces considérations morales réintroduisent, au sein même du pardon, la question de la justice. Quand est-il « juste », exactement, de pardonner ? Quand est-il « injuste » de le faire ?


Formuler la question de cette façon est évidemment problématique. Si la Justice consiste à rendre à chacun son dû, en respectant le principe d'égalité, le pardon consiste au contraire à ne pas rendre ce qui est dû et à s'asseoir allègrement sur le principe d'égalité. Comment dans ces conditions pourrait-il jamais être juste de pardonner  et injuste de ne pas le faire ? Comment le pardon pourrait-il être un dû, un droit que nous pourrions faire valoir contre qui refuse de nous pardonner ? La grâce cesse évidemment d'être une grâce si elle devient un droit. Exiger le pardon comme ce qui nous revient de droit n'est plus vraiment la même chose que de le demander humblement, en sachant qu'on a aucun titre à le réclamer. Et pourtant : on sent bien intuitivement que ce droit n'est pas entièrement abusif et que nous sommes moralement dans notre tort lorsque nous refusons obstinément d'accorder notre pardon. On sent bien, malgré tout, que l'incapacité à pardonner est quelquefois une réelle injustice de notre part. Pourquoi ?


Peut-être parce que cette incapacité à pardonner, ce refus de passer l'éponge, lèse le droit de tout individu à se racheter. Elle est injuste parce qu'elle applique à la faute d'autrui une sévérité que nous ne voudrions pas nous voir appliquée. Elle est injuste, parce qu'elle fait deux poids deux mesures, faisant de la faute d'autrui un motif de nous croire nous -mêmes exempts de faute et parfaitement innocents. C'est l'histoire évangélique de la poutre et de la paille. Il est toujours injuste de prétendre juger des fautes d'autrui lorsqu'on a soi-même des fautes à se faire pardonner. Ce qui est injuste, au fond, c'est donc qu'un homme riche puisse juger et condamner les actes délictueux d'un pauvre, comme s'il n'était pas lui même un être faillible et coupable, en partie responsable du crime qu'il s'arroge le droit de juger. L'exigence de pardonner est bien une règle de justice, parce qu'elle restaure l'égalité de tous les hommes devant la possibilité de la faute. Elle n'est pas une façon de rendre à chacun son dû, mais bien au contraire la reconnaissance lucide du fait que si chacun recevait strictement son dû, le paradis serait un désert et l'Enfer un ghetto grouillant d'âmes damnées.


Rétablir l'égalité devant la possibilité de la faute, c'est cela qui nous commande de passer l'éponge. Cette exigence de pardonner n'a toutefois de sens que si elle répond en vis-à-vis à une volonté sincère et manifeste de se racheter. Mais même lorsque manque cette volonté, pourtant, il peut être juste encore de pardonner. Pourquoi donc ? Parce que la justice a en réalité rarement les moyens de rétablir les termes d'une égalité qui a été rompue. Les séquelles que laisse un viol ou un meurtre ne sauraient jamais être effacées par aucun acte de justice. Il est bien des offenses, même vénielles en apparence, qui ne sauraient jamais être totalement réparées et qui laissent donc immanquablement dans la vie d'un être des traces ineffaçables. La justice peut donc bien punir la faute, mais elle ne saurait en réalité jamais la corriger et rétablir une égalité qui a été une fois rompue. De sorte que toute faute commise envers autrui est potentiellement une dette qu'on ne finirait jamais d'acquitter, si un pardon souverain ne venait interrompre à point nommé le remboursement de la dette. Il peut sembler sans doute injuste qu'un meurtrier en série bénéficie d'une réduction de peine qui le libère au bout de quelques années, quand les familles n'en finissent jamais de faire leur deuil. Mais aucune punition, aussi lourde fût-elle, ne saurait jamais réparer ce qui a été brisé, une fois et définitivement. Le prix d'une vie perdue, ce n'est pas plus dix ans que la perpétuité, pas même la mort du criminel. Par conséquent, aucune décision de justice ne saurait jamais nous rendre ce qui nous a été ôté. Seule le pourrait, au bout du compte, la volonté de faire son deuil et de tourner enfin la page. Le pardon a, au moins pour celui qui l'accorde, cette vertu libératoire. Il est une façon de se rendre justice à soi-même en s'accordant le droit d'être libéré d'une peine injuste qui, sans se pardon, n'en finirait jamais. Il est le droit de la victime de ne pas être condamnée à perpétuité.



Si la Justice et la Pardon participent de deux logiques différentes, on a vu cependant qu'ils n'étaient pas étrangers l'un à l'autre. Seule la Justice, en effet, garantit les conditions propices à l'existence du Pardon. Plus encore, la Justice elle-même semble exiger le pardon. Elle le fait au nom d'un droit à faillir que tout être faillible devrait pouvoir revendiquer ; mais elle le fait aussi au nom d'un droit de la victime à ne pas ressasser sa douleur comme une prison perpétuelle. Il est juste de pardonner et donc, puisque c'est juste, il faut s'appliquer à le faire. La seule alternative au Pardon n'est donc pas la Justice, mais la vengeance, la satisfaction de pouvoir faire subir à l'autre tout le mal qu'il nous a fait. Rien ne serait plus dangereux que d'aligner la justice sur cette exigence de vengeance, en faisant de la punition une simple mesure de rétorsion. Le cri des victimes qui réclament justice, particulièrement dans les procès les plus retentissants de la scène médiatique, est à peine discernable souvent de cet appel bruyant à la vengeance, qui trouve toujours trop clémente la sentence du juge. Déchirée entre la logique vengeresse du ressentiment et l'appel au pardon, la Justice est toujours trouvée trop permissive ou bien trop sévère. Sans doute est-ce parce qu'elle ne saurait totalement se libérer de son lien avec la vengeance, et qu'elle doit trouver tant bien que mal, une position de compromis entre l'idéal du pardon et l'inévitable vitupération de la vengeance.

  

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