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LA MAUVAISE FOI : SARTRE

Dernière mise à jour : 19 oct.


Le paradoxe du mensonge à soi

Ce serait inconsciemment que l'illusionné s'illusionne. Mais cette explication de l'illusion est-elle satisfaisante ? Comment peut-on se cacher la vérité à la fois parfaitement "volontairement" et en même temps sans en avoir le moins du monde conscience ? Comment un acte peut-il être à la fois "volontaire" et simultanément "inconscient" ? Lorsque je respire, je le fais la plupart du temps sans avoir conscience de le faire. Mais du même coup, je respire sans le vouloir, par habitude ou par instinct. Donc, quand je fais une chose inconsciemment, je ne la fais pas volontairement. Et réciproquement, si je fais une chose volontairement, j'ai normalement conscience de la faire.


Or, dans le cas de l'illusion, nous aurions affaire à quelqu'un si se ment volontairement à lui-même et qui, pourtant n'aurait pas conscience de se mentir à lui-même. Comment est-ce possible ? La théorie psychanalytique ne permet pas de répondre à ce problème. Et pour cause : elle est obligée de présupposer ce qu'elle doit expliquer. Pour expliquer qu'un individu puisse se mentir à lui-même, elle est obligée de postuler qu'il exerce une censure "inconsciente". L'illusionné ne sait pas qu'il se ment à lui-même. Mais d'un autre côté, pour expliquer comment un phénomène peut être ainsi inconscient, la psychanalyse l'explique en disant : il est inconscient parce qu'on ne veut pas le voir ! Du coup, le serpent se mord la queue : ce qui permet à la censure d'être inconsciente, c'est qu'on la censure ! Ce qui explique la censure, c'est l'inconscient; et ce qui explique l'inconscient, c'est la censure. On ne peut donc pas se satisfaire de cette explication.


Le principe de la "mauvaise foi"

Raison pour laquelle Sartre préfère donc parler de "mauvaise foi" plutôt que d' "inconscient". Celui qui est de "mauvaise foi" n'est pas simplement quelqu'un qui refuse d'admettre devant les autres qu'il a tort. Quand on dit à quelqu'un qu'il est de mauvaise foi, on ne veut pas simplement affirmer qu'il nous ment et qu'il refuse d'admettre devant nous une chose qu'il admettrait dans son for intime être vraie. Car si c'était le cas, rien ne distinguerait vraiment l'homme de mauvaise foi d'un vulgaire menteur. Il ne veut pas admettre qu'il se trompe, et il vous soutient qu'il a raison pour sauver la face. Mais les choses sont plus complexes : le premier qui est trompé par l'homme de mauvaise foi, c'est l'homme de mauvaise foi lui-même. S'il ne veut pas admettre qu'il a tort, ce n'est pas seulement devant les autres. C'est d'abord vis-à-vis de soi-même, à ses propres yeux, qu'il ne peut admettre son erreur. Le menteur n'est pas convaincu par son mensonge, l'homme de mauvaise foi, oui. On a beau lui démontrer par a + b qu'il se trompe, il continue à penser envers et contre tous qu'il a malgré tout raison.


Et en même temps, s'il est de mauvaise foi, c'est qu'il sait quand même qu'il a tort. Sans quoi, il ne serait pas de mauvaise foi ! Il serait simplement dans la position de quelqu'un qui est dans l'erreur. La personne de "mauvaise foi" est donc un très bon modèle pour penser la possibilité de se faire croire à soi-même certaines choses que l'on sait être fausses. L'homme de mauvaise foi n'est ni un menteur (parce qu'il est sincèrement convaincu de son bon droit), ni un dupe (parce qu'il sait la vérité mais refuse de l'admettre). La mauvaise foi présente donc bien toutes les caractéristiques d'un authentique mensonge à soi-même.


En revanche, l'expression "être de mauvaise foi" ne fait appel à aucune idée d'Inconscient. Prenons l'exemple de la marquise de Merteuil, dans le célèbre roman de Choderlos de Laclos (Les liaisons dangereuses). Dans l'hypothèse psychanalytique, la marquise de Merteuil serait doublement inconsciente : elle serait d'abord inconsciente de son complexe d'infériorité, parce qu'elle l'aurait refoulé; et elle serait aussi du même coup inconsciente d'avoir refoulé son complexe d'infériorité. Mais si nous affirmons que la marquise de Merteuil est de mauvaise foi, son comportement change aussitôt de signification à nos yeux : on ne postule plus du tout qu'elle est inconsciente ! On suppose au contraire que sa tendance à se mentir à elle-même se ferait, chez elle, en toute transparence. Ce n'est pas qu'elle "censure" une vérité qu'elle ne veut pas voir, c'est qu'elle refuse tout simplement de l'admettre. Ce n'est pas du tout la même chose !


Dans l'idée de la censure, il y a comme une opération magique qui consisterait à faire disparaître ce que l'on ne veut pas voir. On voit bien que, pour se représenter la possibilité d'une telle censure, Freud est obligé d'en passer par une représentation métaphorique. Or, c'est cette représentation métaphorique que dénonce Sartre : "Dans l'interprétation psychanalytique, on utilisera l'hypothèse d'une censure, conçue comme une ligne de démarcation avec douane, services de passeports, contrôle des devises, etc". Quand on parle de censure psychique, on croit qu'on a compris de quoi on parle, simplement parce qu'on a une jolie image "topique" à se mettre sous les yeux. Mais cette jolie image n'est qu'une métaphore. Du coup, l'hypothèse de la censure ne nous incite pas vraiment à chercher plus loin une explication. Elle ne conduit pas à nous demander comment fonctionne concrètement cette censure. "abracadabra, le lapin a disparu !" : voilà comment fonctionne la censure. En revanche, si nous postulons maintenant que l'illusionné est parfaitement conscient, nous devons nécessairement nous demander comment il s'y prend, concrètement, pour refuser d'admettre ce qu'il sait.


 "Voici par exemple une femme qui s'est rendue à un premier rendez-vous. Elle sait fort bien les intentions que l'homme qui lui parle nourrit à son égard. Elle sait aussi qu'il lui faudra prendre tôt ou tard une décision. Mais elle n'en veut pas sentir l'urgence; elle s'attache seulement à ce qu'offre de respectueux et de discret l'attitude de son partenaire". On peut dire que cette scène, proposée par Sartre dans L'être et le néant, illustre parfaitement la logique du mensonge à soi : la jeune femme est parfaitement consciente des intentions de l'homme à son endroit (il veut coucher avec elle), mais elle refuse de l'admettre. Comment s'y prend-elle ? Comment peut-elle à la fois être consciente des intentions de l'homme ("il veut coucher avec moi") et se faire en même temps croire à elle-même le contraire ? ("il est trop respectueux pour vouloir coucher avec moi" ?).


A première vue, il semble assez problématique de se tenir un discours pareil. On ne peut en même temps et sous le même rapport affirmer une chose et son contraire. C'est à la fois une impossibilité logique (loi de non-contradiction : "non (p et non p)") et une impossibilité psychologique : un individu normal ne peut tout simplement pas se faire croire à lui-même simultanément une chose et le contraire de cette chose. On voit donc mal comment cette jeune femme s'y prend concrètement pour être à la fois parfaitement lucide sur les intentions de l'homme et en même temps aveugle à ces intentions.


Mais cette impossibilité à former des concepts contradictoires ne concerne en réalité que les situations dans lesquelles on s'efforcerait de croire une chose et son contraire : 1) en même temps, et 2) sous le même rapport. C'est cette double clause (en même temps et sous le même rapport) qui rend impossible la formation de deux concepts contradictoires. Or, cette double condition est ce que la personne de mauvaise foi s'efforce précisément de contourner.


Le jeu sur la temporalité

Soit la première condition : on ne peut penser deux concepts contradictoires en "même temps". Qu'à cela ne tienne ! L'homme de mauvaise foi s'efforce de désolidariser temporellement les deux affirmations contradictoires. C'est ce que fait la jeune femme décrite par Sartre. Sa première stratégie consiste en effet à introduire une coupure arbitraire dans le continuum temporel de la relation de séduction. Elle pense chaque moment séparément, comme si les deux n'avaient aucune espèce de relation : le moment où elle entend : "je vous admire tant", et le moment où la drague prendra une allure plus insistante. Elle isole les deux moments, par une sorte de coupure mentale qui se retient de les mettre en relation. Elle s'en tient au présent de l'énoncé, en renvoyant dans une autre dimension temporelle les "possibilités de développement temporel que présente cette conduite".


Elle peut donc s'offrir le luxe de prendre dans son sens littéral l'énoncé "je vous admire tant" (sans percevoir le message implicite qui est derrière), parce qu'elle prend cet énoncé sous la dimension d'un présent statique : "elle borne ce comportement à ce qu'il est dans le présent, elle ne veut pas lire dans les phrases qu'on lui adresse autre chose que leur sens explicite; si on lui dit : "je vous admire tant", elle désarme cette phrase de son arrière-fond seul, elle attache au discours et à la conduite de son interlocuteur des significations immédiates qu'elle envisage comme des qualités objectives".


Ce jeu sur la temporalité explique bien des conduites de mauvaise foi. Soit le présent est, comme dans l'exemple de Sartre, absolutisé. Soit au contraire, stratégie inverse, le présent est en permanence nié au profit de "possibilités de développement temporel" qui n'arriveront jamais. Exemple de la première stratégie : la façon dont Danceny, le bellâtre des Liaisons dangereuses de Laclos fait complètement abstraction du fait que Cécile de Volanges (la jeune femme dont il est tombé amoureux et qu'il cherche à séduire) doit se marier, au moment où il lui écrit son petit billet doux. Il vit l'ivresse de l'amour dans un présent pur, qui a d'autant moins à s'embarrasser de la dimension de l'avenir qu'il s'inscrit d'emblée dans une dimension d'éternité : "Un malheur éternel sera le prix de l'amour le plus tendre; et vous l'aurez voulu, et ce sera votre ouvrage ! Jamais, je le sens, je ne retrouverai le bonheur que je perds aujourd'hui; vous seule étiez faite pour mon coeur; avec quel plaisir je ferais le serment de ne vivre que pour vous" (Lettre XXVIII). Vivant sur l'éternité de l'instant ("par vous je peux être éternellement heureux ou malheureux", lui écrit-il dans sa toute première lettre (XVII)), Danceny n'ignore pourtant pas que Cécile est destinée à se marier, et qu'il est lui-même destiné à devenir un jour Chevalier de Malte. mais il repousse cette perspective dans une autre temporalité ! C'est cette façon d'isoler le présent des "possibilités de développement temporel que présente sa conduite" qui l'amène à se croire moralement justifié, même devant Madame de Volange, la mère de Cécile : "Un vil séducteur peut plier ses projets aux circonstances, et calculer avec les événements : mais l'amour qui m'amine ne me permet que deux sentiments : le courage et la constance. Qui, moi ! consentir à être oublié de mademoiselle de Volanges, à l'oublier moi-même ? non, non jamais !" (Lettre LXIV). L'éternité de l'instant lui sert comme on voit, de caution morale et lui permet de nier mentalement les conséquences de sa propre conduite, en imputant l'immoralisme au fait de calculer les conséquences de ses actions. L'amour n'est pas véritable, la passion n'est pas vraiment pure, si s'y mêlent des considérations prosaïques sur l'avenir !


Un peu plus tard dans le roman, cependant, en dépit de ses belles promesses d'amour éternel, Danceny fait des infidélités à Cécile avec la marquise de Merteuil, femme expérimentée et manipulatrice, qui le fait tomber dans ses rets. A ce moment encore, Danceny éprouve le besoin de se justifier à nouveau devant un acte qu'il est difficile de concevoir comme autre chose qu'une banale trahison. Quelle stratégie de mauvaise foi va-t-il adopter en ce cas ? Tout simplement, il va encore isoler le présent de "ses possibilités de développement temporel". Mais cette fois, le présent ne sera pas le temps de ce qui est éternel, sans changement; le présent, ce sera pour Danceny le temps de ce qui est éphémère, de ce qui n'a pas vocation à s'inscrire dans la durée. La lettre que Danceny écrit à la marquise de Merteuil, après avoir couché avec elle, n'insiste plus sur la valeur d'éternité attachée à l'instant présent; elle insiste au contraire sur sa valeur d'événementialité : l'amour qu'il éprouve pour Cécile n'est pas nié, il est renvoyé plutôt à la dimension d'un amour fait pour traverser les épreuves, d'un amour qui s'inscrit donc dans la durée; au contraire, l'histoire qu'il noue avec Merteuil n'a rien à voir avec cette durée, il appartient à une sphère temporelle toute autre : celle de l'événement présent, singulier, inattendu, auquel il faut savoir s'abandonner sans chercher à calculer ni à prévoir : "Quoi ! Pour avoir été éclairés plus tard, nos cœurs en seraient-ils moins purs ? Non, sans doute. C'est au contraire la séduction qui, n'agissant jamais que par projets, peut combiner sa marche et ses moyens, et prévoit au loin les événements. Mais l'amour véritable ne permet pas ainsi de méditer et de réfléchir". (Lettre CXLVIII). Au début du roman, Danceny se sert du présent comme de ce temps qui n'est pas destiné à disparaître, parce qu'il est présent, donc de ce temps qui n'a pas besoin d'avoir un avenir parce qu'il est l'éternité même. A la fin du roman, Danceny se sert du présent comme de ce temps qui n'a pas besoin d'un avenir parce qu'il est le temps même de l'ivresse. Ce qui prouve bien que cette façon d'isoler le présent, de l'absolutiser, est complètement arbitraire, c'est la réaction de Danceny dès que Valmont lui apprend qu'il va pouvoir retrouver Cécile : oubliant aussitôt la marquise de Merteuil, il se précipite aussitôt chez Cécile. Alors, le temps présent reprend aussitôt sa temporalité et retrouve son lien immédiat à des possibilités de développement...


Autre exemple, que l'on trouve dans l'analyse que la philosophie Hannah Arendt fait de la faillite de la guerre du Vietnam, dans un article intitulé "le mensonge en politique". Les spécialistes en communication du Pentagone, raconte Arendt, vivaient dans un présent immédiat qu'ils voulaient détaché de toute relation directe avec un avenir. C'est le présent immédiat de la temporalité électorale. Leur but était donc de prendre aux Vietnam des décisions qui avaient uniquement pour but de garantir le succès électoral dans les urnes américaines. Autrement dit, le court-termisme de l'agenda électoral était complètement déconnecté des prévisions à long terme que requiert un engagement militaire. Les deux temporalités semblaient, dans l'esprit des spécialistes en communication, n'avoir aucune espèce de rapport l'une avec l'autre.


En cela, note encore Arendt, "les spécialistes en communication" s'opposaient complètement aux "spécialistes en solution des problèmes". Ces derniers introduisaient eux aussi une coupure arbitraire dans le continuum temporel, mais leur stratégie consistait à l'inverse à faire entièrement abstraction du présent. Ce qui était absolutisé, dans leur cas, c'était la dimension projective d'un avenir qui demeurait toujours à venir. Ce qui incarne un deuxième type de stratégie possible, dans le jeu sur le temps. Ainsi les cadres du Pentagone ont-ils beau savoir, jour après jour, que le présent (les défaites militaires) apporte un démenti cinglant à leur prédiction les plus enthousiastes, il ne laissent pas de se faire croire à eux-même que "les possibilités de développement temporel" finiront par leur donner raison. La situation du présent, telle qu'ils peuvent la mesurer et la constater grâce aux rapports quotidiens de la CIA, ne contredit aucunement leur espoir de victoire, parce que cet espoir est placé dans une autre dimension temporelle qui n'a pour eux aucune espèce de rapport immédiat avec la situation présente. Leur prédiction ne se fondent pas en effet sur cette situation présente, mais sur un espèce de hors-temps qui est celui du savoir scientifique. Une théorie scientifique prétend en effet énoncer des vérités qui sont vraies sub specie aeternitatis, elle fait donc abstraction du temps qui passe, ou plutôt elle tend à spatialiser cette temporalité. Aussi ne faut-il pas s'étonner si les "spécialistes de la solution des problèmes" n'éprouvent nullement de gêne face aux démentis répétés de la situation présente...


Le jeu sur le rapport

Pour penser la deuxième condition (l'impossibilité d'affirmer deux choses contradictoires sous le "même rapport") revenons au texte de Sartre : "Mais voici qu'on lui prend la main. Cet acte de son interlocuteur risque de changer la situation en appelant une décision immédiate". Le problème alors est le suivant : comment la jeune femme peut-elle encore continuer à se mentir à elle-même ? Comment peut-elle encore réussir à se faire croire que la rencontre n'a aucun caractère sexuel, alors qu'elle ne peut plus désormais nier les "possibilités de développement temporel". Elle ne peut plus les nier, parce que ces possibilités ne sont plus des possibilités, mais qu'elles font maintenant partie de la situation présente ! L'homme est passé à l'action : il lui a pris la main. Comment va-t-elle s'y prendre alors pour parvenir encore à s'aveugler ?


Réponse de Sartre : "On sait ce qui se produit alors : la jeune femme abandonne sa main, mais ne s'aperçoit pas qu'elle l'abandonne. Elle ne s'en aperçoit pas parce qu'il se trouve par hasard qu'elle est, à ce moment, tout esprit. Elle entraîne son interlocuteur jusqu'aux régions les plus élevées de la spéculation sentimentale, elle parle de la vie, de sa vie, elle se montre sous son aspect essentiel : une personne, une conscience. Et pendant ce temps, le divorce du corps et de l'âme est accompli : la main repose inerte entre les mains chaudes de son partenaire : ni consentante ni résistante -une chose". Cette fois-ci donc, il ne s'agit plus d'introduire une solution de continuité à l'intérieur du temps, dans une dimension "diachronique"; il s'agit d'introduire une solution de continuité à l'intérieur de la personne elle-même, dans une dimension "synchronique", en distinguant deux plans d'existence que l'on va tenir soigneusement séparés et que l'on va considérer comme parfaitement indépendants l'un de l'autre.


La matrice de toutes les distinctions de ce type est évidemment constituée par le dualisme du corps et de l'esprit. Mais chez Descartes, bien que corps et esprit soient distincts, ils ne sont cependant nullement indépendants l'un de l'autre : "je ne suis pas logé en mon corps comme un pilote en son navire". De fait, ce qu'il se passe dans mon esprit a un effet direct sur ce qu'il se passe dans mon corps (par exemple quand je lève mon bras); et réciproquement, l'état de mon corps affecte inévitablement mon esprit en provoquant ce que Descartes nomme des "passions de l'âme". Corps et esprit sont donc distincts, certes, mais l'homme n'est pas la simple juxtaposition d'un corps et d'un esprit. Il est l'union des deux. Or, ce que fait la jeune femme de Sartre, c'est au moment où on lui prend la main, et pour ne pas rompre le charme ambigu du moment, de complètement désolidariser ce qui se passe au niveau de son corps et ce qui se passe au niveau de son esprit. Elle nie ce qui se passe au niveau de son propre corps, en se lançant dans des grandes spéculations sentimentales !


Ainsi, au moment même où la marquise Cibo, dans le Lorenzaccio de Musset se trouve dans les bras du duc Alexandre, elle se lance dans de grandes envolées patriotiques. Sans doute, à un premier niveau de lecture, cela prouve qu'elle se sert du désir d'Alexandre pour mieux le manipuler dans le sens de la cause républicaine. Du moins telle paraît être son intention manifeste. Mais d'un autre côté, il n'est pas certain qu'en faisant cela, la marquise ne cherche pas aussi à se duper elle-même. Du reste, elle en exprime elle-même le soupçon après son entretien avec le cardinal (II, 3) : "Pourquoi y a-t-il dans tout cela un aimant, un charme inexplicable qui m'attire ? (...) Et pourquoi est-ce que tu te mêles à tout cela, toi, Florence ? Qui est-ce donc que j'aime ? Est-ce toi ? Est-ce lui ?". Dans ce cas, son lyrisme patriotique au beau milieu de l'étreinte pourrait revêtir une autre signification, tout à fait conforme à l'exemple de Sartre. Il se pourrait en effet que la marquise cherche à se tromper elle-même, en se faisant tout esprit, pour se voiler à elle-même le trouble qu'elle éprouve aux caresses d'Alexandre.


Prenons un autre exemple, tiré du roman dont nous avons déjà parlé : Les liaisons dangereuses. On y voit un autre personnage exemplaire, la présidente de Tourvel, femme vertueuse que le cynique Vicomte de Valmont a résolu de séduire. Au moment où la présidente de Tourvel, vaincue, s'abandonne au désir de Valmont, elle s'évanouit. Quelle valeur à cet évanouissement, sinon celui d'un cas clinique de dissociation ou l'esprit rompt littéralement son lien avec le corps pour ne plus avoir à sympathiser avec ses humeurs, ses douleurs ou ses émois ? D'abord la présidente Tourvel s'évanouit : "A ce dernier mot, elle se précipita ou plutôt tomba évanouie entre mes bras. Comme je doutais encore d'un si heureux succès, je feignis un grand effroi; mais tout en m'effrayant, je la conduisais, ou la portais vers le lieu précédemment désigné pour le champ de ma gloire; et en effet elle ne revint à elle que soumise et déjà livrée à son heureux vainqueur". Ensuite lorsque la présidente recouvre ses esprits, elle continue de se comporter comme si elle était entièrement déconnectée de ses sensations : "si je remarquai d'abord un peu plus de confusion et une sorte de recueillement, j'attribuai l'un et l'autre à l'état de prude : aussi, sans m'occuper de ces légères différences que je croyais purement locales, je suivais simplement la grande route des consolations; bien persuadé que, comme il arrive d'ordinaire, les sensations aideraient le sentiment, et qu'une seule action ferait plus que tous les discours, que pourtant je ne négligeais pas. Mais je trouvai une résistance vraiment effrayante, moins encore par son excès que par la forme sous laquelle elle se montrait. Figurez-vous une femme assise, d'une raideur immobile, et d'une figure invariable; n'ayant l'air ni de penser, ni d'écouter, ni d'entendre; dont les yeux fixes laissent échapper des larmes assez continues, mais qui coulent sans effort. Telle était madame de Tourvel pendant mes discours" (Lettre CXXV). Puis, un peu plus loin dans la même scène, la présidente de Tourvel passe de la négation des sensations à la survalorisation des sentiments, l'un étant évidemment destiné à effacer la présence de l'autre : "Vous êtres heureux ? (...) Et heureux par moi!". J'ajoutai les louanges et les tendres propos. Tandis que je parlais, tous ses membres s'assouplirent; elle retomba avec mollesse appuyée sur son fauteuil; et m'abandonnant une main que j'avais osé prendre : "je sens, dit-elle, que cette idée me console et me soulage".


Que cette dissociation incarne une attitude complètement illusoire, c'est bien ce dont témoigne l'expérience beaucoup plus concrète de Cécile de Volanges. Car Cécile, elle, se fait violer par le vicomte. Et pour le coup, lorsqu'elle raconte la scène à la marquise de Merteuil, qu'elle prend pour sa gentille confidente, Cécile est parfaitement sincère. Elle n'essaie pas de se mentir à elle-même, ni même de mentir à la marquise. C'est ce qui rend son témoignage si frappant, et exemplaire. Car ce que révèle la jeune Cécile, alors, c'est précisément son incapacité à réaliser la dissociation de son corps et de son âme; ce qu'elle montre, c'est comment l'émoi de son corps finit par avoir un impact sur son consentement, que d'abord elle refuse. Qu'il y ait finalement consentement ajoute au trouble de la victime, qui non contente d'avoir été forcée se sent en plus responsable de n'avoir pas assez résisté :"Ce que je me reproche le plus, et dont pourtant il faut que je vous parle, c'est que j'ai peur de ne pas m'être défendue autant que je le pouvais. Je ne sais pas comment cela se faisait : sûrement, je n'aime pas M. de Valmont, bien au contraire; et il y avait des moments où j'étais comme si je l'aimais... Vous jugez bien que ça ne m'empêchait pas de lui dire toujours que non; mais je sentais bien que je ne faisais pas comme je disais". Ce témoigne naïf, et donc parfaitement sincère, montre à l'évidence que toute tentative de dissocier l'âme et le corps, de rendre intentionnellement hermétiques l'émoi du corps et la vibration des âmes, relève d'une totale mauvaise foi.


Mais n'est-ce pas précisément cette erreur que commettent aussi les libertins, sous une forme inversée ? Le libertinage du vicomte de Valmont et de la marquise de Merteuil, parce qu'il réduit le sexe au sexe, se veut joyeux et lucide ; mais l'est-il plus que l'hypocrisie pudibonde de la bonne société qu'il prétend dénoncer ? Est-il moins mensonger de prétendre réduire le sexe au sexe que de prétendre réduire l'amour à un échange de conservations purement platoniques ? Aussi bien, la mauvaise foi de celui qui prétend nier l'émoi des corps derrière un discours de vertu n'est-elle pas moins égarante que la mauvaise foi de ceux qui prétendent nier la présence des sentiments derrière le cynisme affiché du libertin. "Est-il vrai, Vicomte, que vous vous faites illusion sur le sentiment qui vous attache à madame de Tourvel. C'est de l'amour, ou il n'en existera jamais : vous le niez bien de cent façons : mais vous le prouvez de mille (CXXXIV); "Parlez-moi Vrai: vous faites-vous illusion à vous-même ou cherchez-vous à me tromper ? La différence entre vos discours et vos actions, ne me laisse de choix qu'entre ces deux sentiments" (CXLI) L'expérience malheureuse de Valmont et de Merteuil ne prouve-t-elle pas que leur propre tentative d'échapper à l'hypocrisie de la société est un échec ? Car leur échec n'est pas dû d'abord à la vengeance que la bonne société aurait exercé contre eux. Leur échec est d'abord imputable au fait que ces deux complices en félonie se sont mutuellement détruits, parce qu'ils ont surestimé la transparence de leur relation.


La mauvaise foi du "garçon de café"

La mauvaise foi est une façon de résoudre la tension qui provient de la présence en nous de deux désirs contradictoires. Pour pouvoir donner satisfaction à ces deux désirs qui s'excluent, on se ment donc "à" soi-même en se mentant "sur" soi-même. Être de mauvaise fois est une façon de s'imaginer être celui que nous ne sommes pas, ou bien de s'imaginer n'être plus celui que nous sommes encore. Rien de plus commun... Ce qui est rare, ce qui est même extraordinaire, c'est de ne pas se mentir à soi-même.


Mais que signifierait exactement, en l'espèce, le fait de ne plus se mentir à soi-même ? A première vue, la réponse semble évidente : il s'agirait d'assumer ce désir que l'on refuse de voir. Ne pas être de mauvaise foi, faire preuve de sincérité, reviendrait donc à s'assumer tel que l'on est vraiment, au lieu de prétendre être celui que l'on est pas. La marquise de Merteuil serait sincère si elle acceptait seulement de reconnaître qu'elle éprouve des sentiments pour Valmont. Rien de plus simple...


Et pourtant, les choses sont plus compliquées que cela ! Revenons une dernière fois à l'exemple de la jeune femme, proposé par Sartre dans L'Être et le Néant. Cette jeune femme se fait croire à elle-même qu'il n'y a rien de sexuel dans la conversation qu'elle accepte d'engager avec l'homme qui l'aborde. Elle n'est pas sincère sur ses propres motifs. Elle prétend n'être pas ce qu'elle est (un corps qui éprouve du désir); ou bien elle prétend être ce qu'elle n'est pas (une âme qui réclame le respect). Fort bien. En ce cas, pour être sincère, il faudrait qu'elle se contente d'accepter son désir, qu'elle se reconnaisse dans ce désir, au lieu de tenter de le nier. De cette manière, elle serait sincère, elle serait pleinement elle-même.


Mais cette prétendue sincérité ne serait-elle pas tout autant mensongère que la mauvaise foi qu'on lui reproche ? En effet, en s'identifiant à ce désir, en acceptant de reconnaître qu'elle est "désir", ne serait-elle pas conduite à se mentir une nouvelle fois en se réduisant à ce qu'elle n'est pas ? Car elle veut être libre aussi de ce désir, elle veut être considérée aussi comme une personne que l'on respecte. En refusant d'admettre qu'elle est désirante est-elle donc davantage de "mauvaise foi" que lorsque, devenue sincère, elle assume pleinement son désir sans se laisser la possibilité de le nier ? En tâchant d'être sincère ("allez, admets que tu as du désir pour moi !"), n'est-elle pas amenée à tomber dans une forme inverse de mauvaise foi, qui la pousserait à nier qu'elle a toujours la possibilité de refuser ce désir et de se tenir au-dessus de lui ?


Sartre écrit : "Déterminerai-je l'ensemble des motifs et des mobiles qui m'ont poussé à faire telle ou telle action ? Mais c'est déjà postuler un déterminisme causal qui constitue le flux de mes consciences comme une suite d'états physiques. Découvrirai-je en moi des "tendances", fût-ce pour me les avouer dans la honte ? Mais n'est-ce pas oublier délibérément que ces tendances se réalisent avec mon concours, qu'elles ne sont pas des forces de la nature mais que je leur prête leur efficicence par une perpétuelle décision de leur valeur ? Porterai-je un jugement sur mon caractère, sur ma nature ? N'est-ce pas me voiler, dans l'instant même, ce que je sais de reste, c'est que je juge ainsi un passé auquel mon présent échappe par définition ? La preuve en est que le même homme qui dans la sincérité, pose qu'il est ce que, en fait, il était, s'indigne contre la rancune d'autrui et tente de la désarmer en affirmant qu'il ne saurait plus être ce qu'il était".


Pour donner une allure moins spéculative à cette question, prenons un exemple d'actualité. Soit une personne, par exemple un homme, qui ressentirait un désir sexuel pour d'autres hommes. La pression sociale aurait poussé cette personne, pendant une longue partie de son existence à nier cette attirance. Pour se conformer à la norme sociale, il aurait donc été amené pendant des années à se mentir à lui-même, en gardant "in the closet", son désir. Puis la pression sociale devient moins contraignante... il peut enfin sortir du placard, s'assumer tel qu'il est et cesser de se mentir à lui-même. Il va enfin pouvoir poser son identité, se retrouvant lui-même et se présentant lui-même dans sa vérité : s'il refuse de le faire, s'il refuse de s' "outer", n'est-ce pas qu'il demeure prisonnier de sa mauvaise foi ? Aussi, par sympathie et bienveillance, son entourage l'invite-t-il à renoncer à prétendre être ce qu'il n'est pas, pour assumer enfin ce qu'il est. Encouragé par ses amis, le jeune homme saute alors le pas et ose se dire ce qu'il n'a jamais osé se dire : "Je suis gay". Fin de l'histoire. Le mensonge à soi est terminé, il est enfin devenu sincère.


Mais est-ce vraiment la fin de l'histoire ? En disant : "je suis gay", ne se ment-il pas une nouvelle fois en croyant s'assumer tel qu'il est, alors qu'il ne fait en réalité que se choisir ? A première vue, cette objection paraît absurde. Car l'orientation sexuelle n'est pas précisément quelque chose que l'on pourrait "choisir". Croire que nous pourrions choisir d'être gay ou de ne pas l'être, ce serait comme nous rendre responsable de notre orientation sexuelle. Ce qui est évidemment absurde. Il faut donc admettre que l'orientation sexuelle fait partie de ces choses que Sartre rassemble sous le mot de "situation". La "situation", c'est pour chaque individu la limite de son activité, ce qu'il trouve là présent devant lui ou en lui avant toute possibilité de choisir : l'endroit de sa naissance, son capital génétique, ses tendances, son contexte familial ou culturel... Bref, sa situation n'est pas quelque chose dont il peut décider, mais c'est ce à partir de quoi il peut décider. Par conséquent, il ne s'agit pas de dire que l'on pourrait choisir son orientation sexuelle, pas plus qu'on ne peut choisir sa couleur de peau ou qu'on ne peut choisir l'handicap dont on hérite à la naissance.


Mais on peut en revanche choisir ce que l'on veut faire de cette situation. On peut l'accepter ou bien la refuser. On peut s'y soumettre ou bien tenter de la contourner, y voir une chance ou un obstacle. Certainement, on ne choisit pas son orientation sexuelle, mais on reste libre de s'identifier à elle comme de refuser de s'identifier à elle. Reconnaître sincèrement que l'on a des désirs homosexuels ne revient pas forcément à dire : "je suis gay", comme si ces désirs avaient la vertu immédiate de nous définir. Je peux toujours prendre mes distances par rapport à ces désirs, je peux choisir de les nier et considérer qu'ils ne sont pas essentiels dans la définition que je donne de moi-même et même refuser que les autres aient de moi cette image. Bref, je ne suis pas une chose, claquemurée dans une identité que je reçois passivement et avec laquelle je devrais seulement tacher de coïncider.


La morale de cette histoire, c'est qu'une certaine manière de concevoir la sincérité est finalement tout aussi trompeuse que la mauvaise foi à laquelle cette sincérité est supposée mettre un terme. En réalité, si être sincère, c'est se reconnaître tel qu'on est, alors la sincérité est un pieux mensonge. il serait assez naïf de supposer que, pour cesser de se faire croire que l'on est celui que l'on n'est pas, il suffirait simplement de se résoudre à être une fois pour toutes celui que l'on est. Ce n'est pas du tout de cette manière que l'on pourra échapper à l'illusion. Car cette attitude repose sur la postulation d'une essence personnelle qui serait là, posée au départ, et qu'il nous faudrait seulement tacher de connaître et de rejoindre (l'idée que "L'essence précède l'existence"). Comme si nous n'avions aucune marge de liberté pour choisir ce que nous sommes.


C'est cette illusion du déterminisme qui gît au fond de la mauvaise foi de Danceny, lorsqu'il cherche à convaincre Cécile que son amour, étant involontaire, ne peut constituer un crime. Il y a là une forme d'excuse qui vise à nier sa propre liberté en s'imaginant prisonnier d'une tendance (ici l'amour) irrépressible. Et cette excuse, comme l'indique Madame de Merteuil, est une forme patente de mauvaise foi : "Il lui fait des raisonnements à perte d'haleine, pour lui prouver qu'un sentiment involontaire ne peut pas être un crime : comme s'il ne cessait pas d'être involontaire, du moment qu'on cesse de le combattre !" (LI)


Cette façon d'enfermer un individu dans une identité à laquelle il serait prié de se conformer ne vient toutefois pas de nulle part. Elle procède en réalité du fonctionnement social, qui assigne nécessairement chaque individu à un rôle déterminé. Car la société fonctionne suivant le principe de la division du travail : un tel est médecin, un tel charpentier, un tel marchand de soie, un tel garçon de café, une telle mère de famille, tel autre mari fidèle, tel autre prêtre... C'est la raison pour laquelle Sartre, pour illustrer cette pseudo-sincérité, qui consiste à coller à une identité, prend l'exemple célèbre du garçon de café. Cet exemple sert de contrepoint à l'exemple de la jeune femme qu'il a choisi au départ. Cette dernière est de mauvaise foi, parce qu'elle veut se faire croire qu'elle est ce qu'elle n'est pas. Le garçon de café, lui, est de mauvaise foi parce qu'il veut se faire croire qu'il est ce qu'il est, sans possibilité d'être autre chose : il adhère comme un automate à son rôle social : "Considérons ce garçon de café. Il a le geste vif et appuyé, un peu trop précis, un peu trop rapide, il vient vers les consommateurs d'un pas un peu trop vif, il s'incline avec un peu trop d'empressement, sa voix, ses yeux expriment un intérêt un peu trop plein de sollicitude pour la commande du client, enfin le voila qui revient, en essayant d'imiter dans la démarche la rigueur inflexible d'on ne sait quel automate, tout en portant son plateau avec une sorte de témérité de funambule, en le mettant dans un équilibre perpétuellement instable et perpétuellement rompu, qu'il rétablit perpétuellement d'un mouvement léger du bras et de la main. Toute sa conduite nous semble un jeu. Il s'applique à enchaîner ses mouvements comme s'ils étaient des mécanismes se commandant les uns les autres, sa mimique et sa voix même semblent des mécanismes; il se donne la prestesse et la rapidité impitoyable des choses. Il joue, il s'amuse. Mais à quoi donc joue-t-il ? Il ne faut pas l'observer longtemps pour s'en rendre compte : il joue à être garçon de café".


Adhérer à un positionnement social au point de s'y identifier complètement constitue donc une forme particulière de mauvaise foi. Lorsque cette position sociale est élevée, ou plus généralement lorsque le rôle auquel on s'identifie jouit d'un certain privilège, nous pouvons dire que la personne de mauvaise foi est quelqu'un qui "s'y croit". L'expression est parlante : en se faisant "croire" à lui-même qu'il n'est rien d'autre que ce rôle qu'il assume, sans distance aucune, l'homme de mauvaise foi "s'y croit". Cette façon qu'il a d'adhérer sans écart à son propre rôle lui permet commodément de se dire qu'il est quelqu'un... autrement dit, "pas n'importe qui"! Depuis que Prévan, dans Les liaisons dangereuses s'est fait connaître par un coup d'éclat amoureux (il a séduit simultanément trois amies), il s'imagine être devenu un séducteur irrésistible. Il s'identifie à sa propre réputation, y trouvant le motif d'une confiance en soi qui le rend terriblement prévisible aux yeux de madame de Merteuil. Il joue son rôle de séducteur, déployant toutes les ficelles du séducteur, avec toute la fatuité de celui qui s'y croit vraiment, comme le fait le garçon de café décrit par Sartre :"L'arrivée, le maintien, le ton, les discours, je savais tout dès la veille", écrit la marquise de Merteuil (Lettre LXXXV).



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