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SPINOZA ET LE PROBLÈME THÉOLOGICO-POLITIQUE

Dernière mise à jour : 18 oct.



Présentation du problème théologico-politique

Le problème théologico politique, qui est le problème de la tension entre religion et politique, il faut bien comprendre qu'il n'est pas un problème éternel. Chez les grecs, par exemple, la religion était au service de la politique et la politique était au service de la religion. Autrement dit, il n'y avait pas de conflit entre les deux puisqu'ils se soutenaient mutuellement. Les dieux, dans le théâtre d'Eschyle, ce sont encore les dieux protecteurs de la cité et la cité elle-même est garante de ces croyances religieuses puisque ces dernières représentent les valeurs sacrées de la cité. Telle qu'elle est présente dans ce contexte, la religion ne pose pas de problème politique. Il n'y a pas de problème puisque la politique et la religion sont harmonisées parfaitement l'une à l'autre, elles se soutiennent mutuellement.


On voit commencer à poindre un problème théologico-politique à partir du moment où on a affaire à une religion qui n'incarne plus les valeurs sacrées de la cité. Pourquoi est-ce que les Romains ont envoyé les chrétiens dans les fosses aux Lions ? Parce qu'ils étaient intolérants ? Ce n'est pas vrai. Il n'y avait pas plus tolérants religieusement que les Romains, parce que leur principe de conduite, c'était celui des polythéistes. Si les dieux des autres peuples sont assez puissants, on peut leur offrir un temple, il n'y a pas de problème. Les Romains n'ont pas arrêté de faire ça, d'ouvrir des temples à des dieux étrangers. Donc pourquoi est-ce que les Romains n'ont pas voulu ouvrir un temple à Yahvé, pourquoi ont-ils persécuté les premiers chrétiens ? Qu'est-ce qu'il avait de si particulier, Yahvé ? Ceci : il était le seul et unique Dieu. C'est-à-dire que ce n'était pas un dieu de la cité, ce n'était pas un dieu indigène, c'était un dieu transcendant. C'était le dieu qui échappait à toute appartenance politique parce qu'il représentait un universel moral, un universel moral qui s'imposait à tous les hommes de toutes les conditions et de toutes les patries.


Et là, vous avez d'un seul coup un problème théologico-politique qui émerge. Qu'est-ce que c'est exactement que le problème théologico-politique ? C'est le problème que la théologie va poser à la politique à partir d'un certain moment. Quand on a affaire à une religion qui n'est plus une religion politique, mais que c'est une religion qui incarne l'obéissance à un Dieu qui transcende les appartenances politiques. Et le problème, il va être double dans ce cas-là. C'est d'abord un problème d'allégeance politique. Un problème d'allégeance politique qui est que lorsque vous obéissez à Dieu, vous n'obéissez plus au dieu de la cité. Vous obéissez à un dieu qui est au-dessus des lois de la cité. Et ça, ça change tout, et c'est politiquement dangereux !


Or ça, on le voit déjà émerger dans le théâtre d'Eschyle, dans la scène finale où Antigone affirme par piété la nécessité qu'elle a d'enterrer son propre frère. Elle aussi, Antigone, elle revendique une obéissance à des lois qui sont supérieures aux lois de la cité. Elle revendique une sorte de piété qui transcende toute piété sociale et politique, et cela va susciter un nouveau péril politique : à la fin de la pièce, Thèbes est à nouveau séparée en deux clans. Donc, chez Eschyle lui-même, on voit déjà émerger ce problème de la double allégeance, du fait qu'un individu se retrouve coincé entre une allégeance politique qui réclame son obéissance et une allégeance d'un autre type qui s'écarte clairement de l'allégeance politique parce qu'elle suppose une obéissance à une norme qui est transcendante par rapport à son appartenance politique. Ce que les dieux grecs ne demandaient jamais de faire, là, c'est en train d'apparaître et Eschyle est très intéressant de ce point de vue, parce que la religion a chez lui quelque chose de plus mystique que chez les autres auteurs de son siècle. Il y a cette espèce de fond monothéiste qui est en train de surgir grâce à la philosophie et qui pose déjà un problème par rapport à ce que doit faire un citoyen.


Il y a le problème de l'allégeance politique que va poser la question religieuse. Puis le deuxième problème, c'est celui de l'intolérance religieuse parce qu'à partir du moment où la religion se revendique une sorte de norme transcendante par rapport aux organisations et aux traditions politiques, elle suppose quelque chose comme une sorte de vérité universelle qui s'élève au-dessus des particularismes. Il n'y a plus la possibilité de penser autrement ou de croire autrement. Le polythéisme, comme vous le savez, c'est une religion qui est profondément tolérante, parce que les dieux sont les dieux de la cité: donc que certaines personnes adorent d'autres dieux ne posent problème à personne. Mais quand vous adorez un dieu qui est "le chemin, la vérité et la vie", tout ça au singulier, les personnes qui n'adorent pas ce dieu sont tout simplement dans l'erreur et dans l'errance. Il n'y a qu'un seul dieu. Ces nouvelles religions, elles ont un potentiel destructeur énorme pour tout lien politique. Et c'est ce que montrent justement les guerres de religion. Parce que qu'est-ce que c'est qu'une guerre de religion ? C'est la volonté de convertir de force quelqu'un, parce qu'on considère que croyant autre chose et adorant d'autres dieux, il est logiquement dans l'erreur. Adorant autre chose que le seul et unique vrai dieu, le dieu universel qui est forcément unique et le même pour tous, cette personne là est dans l'errance et donc il faut impérativement qu'on rectifie son erreur. Le phénomène de l'intolérance religieuse est donc lié à l'avènement du monothéisme et il pose politiquement de redoutables problèmes parce qu'il est un facteur de guerre civile. Et la guerre de religion, c'est vraiment un phénomène qui historiquement est assez récent dans l'histoire de l'humanité. Des gens qui s'étripent pour savoir qui est le vrai dieu, vous imaginez bien que dans la Grèce antique ou dans la Rome antique, ça n'avait pas vraiment de sens. Chacun ses dieux indigènes ! Plus on en a et plus on rigole. Là, par contre, si vous ne respectez pas le bon dieu, si vous n'adorez pas le dieu qui est le seul à exister, vous êtes immanquablement dans l'erreur, vous êtes un idolâtre. Et donc, la guerre de religion va poser un véritable problème politique tel qu'il va apparaître, surtout au XVIIe siècle et au XVIe siècle avec les guerres de religion entre protestants et catholiques. Spinoza, au moment où il écrit son grand Traité théologico-politique, s'inscrit dans ce contexte là.


La solution spinoziste au problème théologico-politique

Comment résoudre ce problème ? La solution que propose Spinoza pour résoudre ce problème, elle est simple à énoncer mais difficile à mettre en œuvre. Il s'agit tout bêtement de dissocier la religion et la politique, pour éviter qu'il y ait des tensions entre les deux. Il s'agit d'introduire un principe de séparation entre la politique et la religion. Ça, c'est le projet. Mais un projet qui n'est pas si facile que ça à réaliser ! Parce que pour nous, aujourd'hui, évidemment, la religion n'a rien à faire avec la politique et la politique n'a rien à faire avec la religion. Séparer la politique et la religion, ça nous parait une évidence qui va de soi. Mais réfléchissez un peu. S'il a fallu en gros attendre le 17e siècle pour que ce genre de position émerge, c'est parce qu'elle ne va pas du tout de soi !


Dissocier religion et politique ne se fait pas comme ça, par un coup de baguette magique. Même si la religion transcende désormais l'ordre politique, elle reste quand même intimement liée à lui pour une raison facile à comprendre : toute société politique a besoin de croyances qui unissent les citoyens et qui soient considérées par tous comme des croyances indiscutables. Or, justement, ce qui caractérise ces croyances sacrées de la cité, c'est qu'elles sont des croyances dogmatiques, soit des croyances "religieuses". Et réciproquement, la croyance religieuse a besoin de la protection du pouvoir politique pour demeurer ce qu'elle est : une croyance indiscutable. Autrement dit, il y a forcément une interdépendance entre les deux qui rend très, très difficile en pratique de les distinguer ou du moins de les séparer. La communauté politique a besoin d'être fondée sur des croyances qui sont indiscutables (non parce qu'elles seraient prouvées, mais seulement parce qu'on n'a pas le droit de les discuter) et, inversement, la croyance religieuse a besoin d'un pouvoir politique qui garantit qu'elle ne sera pas remise en cause. Donc, on a ici affaire à une relation d'interdépendance qui est forcément très forte, puisque la politique a besoin d'un certain nombre de croyances dogmatiques que lui fournit la religion. Et réciproquement, la religion a besoin de la protection d'un pouvoir qui garantit l'inviolabilité de ses croyances, si bien que vous ne pouvez pas facilement les séparer l'une de l'autre.


Si vous voulez les séparer l'une de l'autre, il va falloir faire exactement ce que projette Spinoza et c'est ça toute la difficulté et l'audace de sa démonstration : Il va falloir essayer de redessiner les contours de ce qu'on appelle "la religion" et les contours de ce qu'on appelle "la politique", de telle sorte que ni l'une ni l'autre n'interfèrent par la "croyance". C'est ça le défi de Spinoza. En soi, religion et politique ne sont pas séparées; si l'on veut les séparer, il va falloir qu'on pratique une énorme ablation chirurgicale ! Et cette énorme ablation doit porter sur ce corps central qui se situe à l'entrecroisement des deux, c'est à dire le domaine des "croyances dogmatiques".


Or, comment réaliser concrètement cela ? Comment peut-on fonder un ordre politique en faisant entièrement abstraction des croyances des individus ? Et comment peut-on comprendre la religion en faisant abstraction du fait que les "croyants" sont en principe des gens qui "croient" à quelque chose ? être une "croyant", n'est-ce pas par définition se rapporter à une "croyance" ? Si j'arrive à pourtant à détacher la religion de la croyance, si j'arrive à dissocier l'ordre politique de la croyance, et si j'arrive à faire la même chose avec la religion, alors cette croyance ne représentera plus un enjeu ni pour la piété religieuse ni pour la sécurité publique. Alors, et alors seulement, je pourrai laisser les individus libres de croire ce qu'ils veulent ! Car leur capacité à être pieux, donc la valeur religieuse de leur existence, sera indépendante de ce qu'ils croient. Donc leur laisser la liberté de croire ce qu'ils veulent, ça ne posera plus aucun problème puisque leur piété n'aura rien à voir avec la qualité de ce qu'ils croient, donc avec leur système de croyances. Et l'ordre politique lui-même, la "paix sociale", comme dit Spinoza, la paix civile elle-même n'aura rien à voir avec le fait que les individus croient ceci ou bien cela, parce qu'il sera devenu parfaitement indifférent que les citoyens partagent ensemble un certain nombre de croyances fondamentales qui seraient tenues pour les dogmes sacrés de la Cité.


Spinoza va réaliser la double tâche dans son ouvrage. Du chapitre 1 à 15 inclus, c'est-à-dire dans la première moitié de l'ouvrage, il va montrer que la véritable religion n'a rien à voir avec un système de croyances. Et ensuite, du chapitre 16 jusqu'au chapitre 20, il va montrer que l'ordre politique lui-même, la véritable communauté politique, n'a rien à voir avec le partage d'un certain nombre de croyances fondamentales par les individus. Tout son projet consiste à extirper ce domaine des croyances, à la fois du religieux et du politique, pour faire en sorte qu'ensuite, vous puissiez être totalement libres de croire ce que vous voulez, puisque ces croyances ne constituent plus une menace pour l'unité religieuse ni pour l'unité politique. Plus encore : c'est seulement et seulement à cette condition là que vous pourrez considérer que la religion et la politique n'ont rien à voir l'une avec l'autre, de sorte que la religion n'a plus à empiéter sur les affaires politiques, et réciproquement. Mais pour en venir à cette évidence, il faut d'abord que vous fassiez quelque chose qui n'a rien d'évident : faire disparaître cette zone centrale qui assure la solidarité de la religion et de la politique : l'idée de "croyance dogmatique". Et ce n'est pas facile du tout !


Comment concevoir la religion indépendamment de toute croyance ?

Comment concevoir la religion indépendamment de toute croyance ? C'est la première moitié de la tâche qui incombe à Spinoza. Pour faire court, je vais résumer la démonstration de Spinoza en deux points. Il s'agit donc de montrer que la religion n'a rien à voir avec un système de croyance, que donc la piété véritable est complètement indifférente à la question de savoir ce que vous croyez, dans le fond. La religion n'a rien à voir avec un système de propositions dogmatiques. Spinoza va montrer cela de deux manières : une manière qui est, disons, positive et une manière qui est négative.


Une manière positive : c'est tout simplement par l'étude du texte biblique, qui va l'occuper pas mal de temps, puisque cette partie "exégèse" occupe une grosse partie de l'ouvrage. A travers cette étude du texte biblique, Spinoza va découvrir une chose : c'est qu'on ne trouve strictement aucune doctrine cohérente dans les textes saints. Que les doctrines qu'on prétend y trouver, ce sont des doctrines qui sont incohérentes, parce que ce texte est fait de briques et de brocs, qu'il a été écrit à des périodes différentes par des auteurs différents, et pour des destinataires différents et que donc, si vous cherchez une sorte de doctrine intégrative dans la Bible, vous risquez d'être bien déçus ! Si vous cherchez une doctrine unifiée dans les textes saints, vous ne la trouverez pas. Vous trouverez un ensemble de propositions contradictoires, mutuellement incompatibles, qui fera que finalement, quoi que vous pensiez au sujet de la "vraie foi", vous pouvez être toujours à peu près sûr d'avoir raison, parce que vous trouverez toujours au moins un verset ou une sourate qui vous donnera raison. Il n'est donc pas très difficile d'imposer sa propre lecture d'un texte saint, puisque ce texte est tellement plein de propositions contradictoires, que si vous voulez défendre votre position, il vous suffit de citer un exemple qui va dans votre sens, en passant sous silence, tous les passages qui ne vont pas exactement dans votre sens. Évidemment, chacun peut créer sa propre école religieuse s'il en a envie, parce que finalement, le texte saint est suffisamment généreux pour permettre toutes les interprétations.


Mais ça, c'est justement pour Spinoza la preuve que le message religieux ne repose pas sur cette doctrine, puisqu'il n'y en a pas. L'évidence impose à voir que ce qui donne son unité au texte saint, ça n'est clairement pas une doctrine qui serait unitaire. Alors, qu'est-ce qui lui donne son unité ? Ce sont les appels à adopter un certain comportement qui, eux, par contre, ne varient pas. Autrement dit, le cœur de la doctrine religieuse, ce n'est pas une doctrine, c'est un ensemble de prescriptions doublé de l'injonction répétée à obéir à ces prescriptions. Dans le chapitre 14, Spinoza résume cela d'une façon parfaitement claire : " l'objet de l'écriture, c'est seulement d'enseigner l'obéissance." Donc, l'écriture ne vous dit pas ce que vous devez croire, elle vous dit ce que vous devez faire. L'objet de l'écriture est seulement d'enseigner l'obéissance. Elle ne vous dit pas ce que vous devez croire au sujet de Dieu, elle vous dit seulement ce que vous devez faire pour complaire à Dieu, ce qui n'est pas exactement la même chose. C'est un appel à l'obéissance. C'est tout. Ce qui détermine la piété religieuse, ce n'est pas ce que vous croyez, c'est ce que vous faites concrètement. Le bon juif, le bon chrétien, le bon musulman, ce qui fera d'eux des bons chrétiens, ou des bons musulmans, ou des bons juifs, ce n'est pas un ensemble de croyances dogmatiques auxquelles ils s'accrocheraient, mais la pratique effective de leur foi par un comportement qui plaît à Dieu.


Cela c'était la preuve purement positive, que Spinoza étaye en analysant méticuleusement le texte biblique. Mais à cette preuve purement positive, il ajoute une preuve qui est négative : c'est que l'idée même d'une "croyance religieuse", ou l'idée que la religion serait définie par une croyance, ça transformerait automatiquement cette religion en une vulgaire superstition. Parce que précisément, une croyance doit toujours pouvoir se justifier devant le tribunal de la raison. Autrement dit, le principe d'une "croyance dogmatique", ce n'est pas possible !C'est toujours votre raison qui décide ultimement ce que vous devez croire, même quand ce que vous devez croire, c'est le texte biblique lui-même; c'est toujours votre raison qui a le dernier mot. Le principe même d'une croyance dogmatique, ce serait par conséquent un paradoxe logique. L'idée d'une croyance qu'on devrait accepter parce qu'on a la foi et simplement sans discuter, relève moins de la religion que de ce phénomène qui est la superstition et dont Spinoza parle longuement dans la préface de son ouvrage. Réduire la religion à un système de croyance serait donc transformer quelque chose qui est de l'ordre de la "piété" en quelque chose qui est de l'ordre de la superstition. En effet, si vous voulez absolument que la religion ressemble à un système de croyances et que ce système de croyances ait la caractéristique d'être reçu par vous sans discussion, alors vous n'avez plus affaire à un phénomène qui est celui de la piété, vous avez affaire à un phénomène qui est celui de la superstition aveugle. Pourquoi ? Parce que la seule chose qui peut pousser un individu à croire des choses qui ne sont pas justifiées par sa raison, sans distance critique, c'est la crainte, c'est la peur. C'est la peur de la damnation, par exemple. On n'a pas du tout ici affaire à un phénomène qui est celui de la religion, mais à un phénomène qui est celui de son adultération.


Conséquence : les individus peuvent croire ce qu'ils veulent en matière religieuse puisque la religion n'a rien à voir avec ce qu'ils croient, mais tout à voir avec ce qu'ils font : "Appartiennent à la foi catholique écrit Spinoza au chapitre 14, ceux-là seuls [les dogmes] qui posent absolument l'obéissance envers Dieu et dans l'ignorance desquels l'obéissance serait absolument impossible. À l'égard des autres dogmes, à chacun de penser comme il verra qu'il vaut le mieux pour lui pour se confirmer dans l'amour de la justice." C'est la première conséquence par laquelle on voit arriver le thème de la liberté individuelle : chaque individu en matière religieuse est libre de croire ce qu'il veut. Pourquoi l'est-il ? Parce que l'essentiel n'est pas là. Donc cette liberté est à la mesure, finalement, de l'indifférence de la croyance en matière religieuse. Si on peut laisser les individus libres de croire tout ce qu'ils veulent en matière religieuse, c'est pour une raison qui est simple et élémentaire : c'est qu'on s'en fiche ! Les individus peuvent être d'autant plus libres de croire ce qu'ils veulent que l'importance religieuse de l'orthodoxie (de l'opinion "droite") est désamorcé. Ce n'est pas ce que vous croyez qui déterminera votre appartenance à la religion, ce n'est pas ça qui déterminera votre véritable piété.



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